Les nanomatériaux : un défi pour le futur de l’industrie chimique ?

Les nanomatériaux : un défi pour le futur de l’industrie chimique ?

jeudi 22 septembre 2022
Utilisés de plus en plus fréquemment dans les produits de la vie courante tels que les cosmétiques, les médicaments, les outils de télécommunication, … les nanomatériaux promettent des avancées inédites dans de nombreux domaines. Cependant, en raison de leur taille, à l’échelle du milliardième de mètre, soit la dimension d’un virus, leur présence inquiète quant aux risques qu’ils peuvent représenter, aussi bien pour la santé humaine que pour l’environnement.

En effet, une substance à l’état nanoparticulaire peut présenter un profil de danger différent de celui présenté par la même substance dans sa forme non nanoparticulaire (capacité à traverser des barrières biologiques, persistance dans l’environnement, ...).

Pour faire face à ce nouveau défi, la réglementation a dû s’adapter. Dès 2011, une recommandation (3*) de la Commission européenne a défini le nanomatériau comme étant un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé, contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm, y compris par dérogation les fullerènes, les flocons de graphène et les nanotubes de carbone à paroi simple présentant une ou plusieurs dimensions externes inférieures à 1 nm.

Une nouvelle recommandation 2022/C 229/01 relative à la définition des nanomatériaux vient d’être publiée : attendue depuis 2015, elle met à jour la recommandation 2011/696/UE afin de clarifier certains termes, de mieux redéfinir le périmètre d’application de la définition des nanomatériaux et d’en harmoniser la définition en vue de son inclusion ultérieure dans l’ensemble des règlementations transverses ou sectorielles européennes.

Ainsi, on entend désormais par « nanomatériau » un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé, constitué de particules solides qui sont présentes soit individuellement, soit en tant que particules constitutives identifiables dans des agrégats ou des agglomérats, 50 % au moins de ces particules, dans la répartition numérique par taille, répondant au moins à l’une des conditions suivantes :
                ∎ Une ou plusieurs dimensions externes de la particule se situent dans la fourchette de 1 nm à 100 nm ;
                ∎ La particule présente une forme allongée, telle que celle d’un bâtonnet, d’une fibre ou d’un tube, deux dimensions externes étant inférieures à 1 nm et l’autre dimension supérieure à 100 nm ;
                ∎ La particule présente une forme de plaque, une dimension externe étant inférieure à 1 nm et les autres dimensions supérieures à 100 nm.

Pour déterminer la répartition numérique par taille des particules, il n’est pas nécessaire de prendre en considération les particules ayant au moins deux dimensions externes orthogonales supérieures à 100 µm. Un matériau présentant une surface spécifique en volume inférieure à 6 m²/cm³ n’est toutefois pas considéré comme un nanomatériau.

Il est entendu par :
                ∎ « Particule » : un minuscule fragment de matière possédant des contours physiques bien définis ; les molécules uniques ne sont pas considérées comme des « particules » ;
                ∎ « Agrégat » : une particule constituée de particules soudées ou fusionnées ;
                ∎ « Agglomérat » : un amas friable de particules ou d’agrégats dont la surface externe globale correspond à la somme des surfaces de ses constituants individuels.

La définition de la première recommandation adoptée en 2011 avait été intégrée dans certaines règlementations, comme dans le règlement (CE) 1907/2006 (REACH), le règlement (UE) 528/2012 sur les produits biocides, au niveau européen, et également dans le décret français concernant l’obligation annuelle de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire via le registre R-nano (qui reprend une définition équivalente).
Il est prévu que ces règlementations sectorielles ou transverses mettent à jour leur définition pour la remplacer par la nouvelle recommandation de 2022.

Concernant le règlement cosmétique, qui a adopté dès le début une définition significativement différente de la recommandation de 2011, une mise à jour de la définition des substances nano est en cours de discussion dans le cadre de la révision du règlement cosmétique.

Par ailleurs, par le biais du règlement (UE) 2018/1881 (2*) modifiant les annexes I, III, VI, VII, VIII, IX, X, XI, et XII du règlement REACH, aux fins de couvrir les nanoformes des substances, les entreprises qui fabriquent, importent ou utilisent de telles substances dans l’Espace économique européen (EEE) ont désormais de nouvelles contraintes concernant :
                ∎ La caractérisation des nanoformes ou des groupes de nanoformes couverts par l’enregistrement (annexe VI)
                ∎ L’évaluation de la sécurité chimique (annexe I)
                ∎ Les exigences en matière d’informations pour l’enregistrement (annexes III et VII-XI)
                ∎ Les obligations incombant à l’utilisateur en aval (annexe XII).

Le règlement indique explicitement que les nanoformes d’une substance doivent être couvertes par le dossier d’enregistrement de la forme non nano, et que le déclarant doit fournir une justification expliquant pourquoi les informations fournies dans la soumission conjointe sont adéquates pour évaluer les nanoformes.

Ces nouvelles exigences s’appliquent à l’ensemble des enregistrements, nouveaux comme existants, couvrant des nanoformes.

L’annexe VI définit le terme « groupe de nanoformes similaires » comme étant un groupe de nanoformes caractérisées, pour lequel il reste possible de conclure, d'après les limites clairement définies pour les paramètres pour chaque nanoforme du groupe, que l'évaluation des dangers, l'évaluation de l'exposition et l'évaluation des risques de ces nanoformes peuvent être réalisées conjointement. Une justification doit être fournie, démontrant qu'une variation au sein de ces limites n'a pas d'incidence sur l'évaluation des dangers, ni sur l'évaluation de l'exposition, ni sur celle des risques des nanoformes similaires faisant partie du groupe.

Une nanoforme ne peut appartenir qu'à un seul groupe de nanoformes similaires.

Afin d’aider les industriels à se conformer à leurs obligations, l’ECHA a publié plusieurs guides, dont le guide « Appendice sur les nanoformes applicable au Guide de l’enregistrement et de l’identification des substances » (3*), paru en 2019.

Malgré cela, la perception globale des nanoparticules par l’opinion publique reste aujourd’hui largement celle d’un domaine encore en exploration et mal connu, prometteur, mais potentiellement porteur de risques. Dans cette optique, et afin d’accroître la quantité d’informations disponibles, le contenu des fiches de données de sécurité a, lui aussi, été revu. Le règlement (UE) 2020/878 modifie ainsi l’annexe II du règlement (CE) 1907/2006 et prévoit l’insertion dans la FDS des exigences spécifiques pour les nanoformes des substances requises par le règlement (UE) 2018/1881.

Ainsi, la FDS doit désormais (ou au plus tard le 31 décembre 2022) mentionner dans chaque rubrique pertinente si elle concerne des nanoformes et, le cas échéant, préciser lesquelles, et relier les informations de sécurité pertinentes à chacune de ces nanoformes. À cet effet, le mot “nanoforme” doit être utilisé.

Par ailleurs, au-delà de ces exigences européennes, les sociétés peuvent également devoir se conformer à des exigences nationales. C’est le cas en France, où les fabricants, les importateurs et les distributeurs de plus de 100 g de substances à l'état nanoparticulaire (nanoparticules, nanomatériaux ou nanotechnologies) doivent déclarer les quantités produites, importées ou distribuées. Cette déclaration annuelle doit être effectuée auprès de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avant le 1er mai de chaque année.

(1*) Recommandation de la Commission du 18 octobre 2011 relative à la définition des nanomatériaux
(2*) Source : Règlement (UE) 2018/1881 de la Commission du 3 décembre 2018 modifiant les annexes I, III, VI, VII, VIII, IX, X, XI, et XII du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), aux fins de couvrir les nanoformes des substances
(3*) https://echa.europa.eu/documents/10162/17250/how_to_register_nano_fr.pdf/1274b19d-6ce0-a8bb-f20b-5330d50b024f?t=1590509824472
 

Back to news list